RECENSIONI / Lucia Arcuri
Le paysage figure rarement au nombre des objets sur lesquels la philosophie a posé son regard. Au-delà de la beauté apparente des bois et des jardins, presque personne ne peut imaginer les canons qui ont dicté au niveau factuel le style de l’aménagement des jardins, la disposition des éléments, le jeu des lumières et des ombres, de l’eau. Mais, plus en amont, on trouve différentes théories sur le statut de cet art insolite et sur la peinture du paysage.
J. Rancière propose un excursus original qui s’insinue dans la trame historico-théorique de ces deux champs singuliers de l’esthétique. Il est conscient du fait que l’art du paysage est comme Janus, c’est-à-dire à plusieurs faces. L’une est celle des jardins aménagés, l’autre celle de la nature sauvage, et les deux contribuent à bouleverser les critères du beau et le sens même du mot art dans l’histoire. Mais ce bouleversement de la conception de la nature concerne aussi la société. Deux événements significatifs dans l’histoire occidentale contrarient selon Rancière la recherche d’un horizon commun et la tentative d’unité: la naissance de l’esthétique en tant que «régime de perception et de pensée de l’art» et la Révolution française entendue comme «révolution dans l’idée même de ce qui assemble une communauté humaine» (p. 10).